Loup y es-tu ?

Dernière édition par Bruno le Sam 23 Nov 2013 - 10:23, édité 9 fois

Que fait ce loup ici ? Et bien c'est simple, ce loup gris du Labrador a été filmé par hasard par la caméra fixe d'un groupe d'études sur les loutres côtières dans la baie de Bonavista près de Clode Sound, dans le Terra Nova National Park, à Terre-Neuve en juillet 2012. Déjà quelques mois plus tôt, un chasseur en avait abattu un pensant avoir à faire à un coyote mais vu le "spécimen" des analyses génétiques avaient été faites révélant qu'il s'agissait bien d'un loup. En 2009, un autre avait aussi été tiré.

Le loup de Terre-Neuve Canis lupus beothucus était une sous-espèce du loup du Labrador et est officiellement éteint depuis 1930, les derniers ont été tués au début des années 1920. Les premiers colons arrivés à Terre-Neuve avaient évoqués la présence en grand nombre des loups dés 1578 et en 1612, le Capitaine William Colston notifiait que dans la colonie de John Guy, à Cupids, "...les chiens des colons avaient attaqué et tués un loup...". Ceux-ci vivaient souvent près des habitations et entraient parfois se servir dans les parcs à bestiaux... D'autres ont décrit les "bonnes relations" qu'entretenaient leurs chiens et les loups.

Alors, comment en 2012 ces loups sont arrivés là ??? Tout simplement en traversant le détroit de Belle-Isle qui sépare les côtes du Labrador et de Terre-Neuve pris dans la glace durant les mois d'hiver... Comme le font d'ailleurs d'autres quadrupèdes (coyotes, etc...). Ce détroit fait 125km de long et la distance séparant les côtes varie entre 60km maximum et seulement 15km minimum, la distance moyenne est de 18km.

Et alors ? Et bien, comme dans le chapitre historique de notre livre "Le Labrador", les quelques personnes qui font des recherches sur les origines du Labrador Retriever s'accordent pour dire qu'il n'y avait pas de chien à Terre-Neuve avant l'arrivée des colons, au vue des quelques documents en langue anglaise que l'on peut trouver et qu'il descend, en partie, du chien de St John's dont les origines sont partiellement inconnues, bref, on est dans le vague...

Hors, l'histoire du "Nouveau Monde" ne s'est pas écrite seulement par les anglais, même si Terre-Neuve est leur première grande colonie... Les français avec la "Nouvelle France" y ont largement contribué ! Direction donc les bibliothèques numériques à la recherche d'ouvrages d'époque concernant nos colonies. On y apprend qu'au début les navigateurs n'ont fait que contourner Terre-Neuve et ont installé de toutes petites colonies (très très peu), très isolées et de très peu de personnes -parfois juste une famille- sur les côtes et faisaient plutôt de la cartographie et cherchaient de nouvelles terres à conquérir. Ils donnaient des noms à tout ce qu'ils pouvaient ; baies, presqu'île, côtes, etc... que les suivants renommaient à leur tour... Ils étaient trop peu nombreux à bord des navires et les conditions météo là-bas extrêmement difficiles. Ceci a duré un bon bout de temps et finalement, ils continuèrent leurs recherches plus vers l'ouest. Les premiers installés à Terre-Neuve l'ont été essentiellement au sud-est de l'île, face à l'Europe et ne s'aventuraient pas dans les terres ni sur la côte ouest ni quasiment au nord de l'île. Les morutiers venaient au sud et au sud-est de l'île faire sécher leurs pêches, face aux grands bancs de morues avant de reprendre la mer. Par la suite, les colons s'installèrent en plus grand nombre, d'abord les français puis les anglais.
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Les premiers amérindiens rencontrés étaient des Béothuks, ils n'avaient semble t-il pas de chiens. Mais à l'extrême nord de l'île se trouve le détroit de Belle Isle (où a traversé le loup filmé...). Sur la côte du Labrador, puis au nord de Terre-Neuve, se trouvaient des tribus plus développées qui ont rapidement commercé avec les colons, notamment les Inuits et les Micmacs. Eux possédaient des chiens qu'ils utilisaient pour pêcher et chasser (et oui !), les Micmacs, et se déplacer à traineaux, les Inuits. Les chiens des premiers étaient appelés communément "chiens de canoë". Les immigrés européens qui pêchaient avec leurs chiens dans leurs Doris (barques à 2 places) ne faisaient finalement que reproduire ce que les indiens faisaient, avant eux, dans leurs canoës :

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Peut-être l'unique photo d'un "chien de canoë"... Ici, un lièvre en gueule, à mi-chemin entre le loup et le chien, il semblait avoir (peut-être...) déjà des aptitudes de rapport...
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Ce "chien de canoë", qui semble posséder des aptitudes de Retriever, était-il un ancêtre amérindien qui s'est accouplé aux chiens des colons pour donner beaucoup plus tard le chien de St-John's ?! En tout cas, Terre-Neuve n'était pas si isolée des côtes du Labrador tout proche et des chiens des indiens qui y vivaient.

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« …Si l'on ne tient pas compte des espèces importées par l'’homme, comme l'élan et le chien, et de celles qui se sont répandues à sa suite, comme le surmulot et la souris domestique, les mammifères terrestres propres à Terre-Neuve ne sont actuellement représentée que par une quinzaine d'espèces, dont plusieurs ne sont même selon toute vraisemblance que de simples variétés. II n'y a pas besoin de répéter, après tant d'autres, que le chien de Terre-Neuve est une race due à des croisements successifs et que les chiens de petite taille qui circulent à Terre-Neuve viennent du Labrador. Le caractère particulier de la faune indigène est son renouvellement périodique: les espèces qui la composent ne sont pas les mêmes aujourd'hui qu'autrefois ; certaines ont disparu et ont été remplacées par de nouveaux arrivants. Ainsi le lynx, qui foisonne dans les bois, était inconnu il y a vingt ans. Par contre, il n'y a plus de loups ; ces animaux, dont Cormack vit des bandes si nombreuses en 1822 et qui depuis se multiplièrent à tel point que les plus vieux chasseurs n'en parlent point sans effroi, se sont évanouis subitement. On peut accuser l'homme de la disparition de la loutre, mais la fourrure du loup n'a pas de valeur ; iI n'a pas été chassé et sûrement le lynx n'a été introduit par personne. C'est dans un phénomène naturel qu'il faut chercher la cause de ce renouvellement. Quand le détroit de Belle-Isle est gelé, les espèces du continent chassées par la faim vont chercher fortune ailleurs et se risquent sur la mer solide ; elles parviennent jusqu'à Terre-Neuve, reliée au Labrador et transformée momentanément en presqu'île. Mais ce lien fragile se rompt ; les nouveaux immigrants ne retrouvent plus le passage ; ils se reproduisent sur place, se multiplient dans un espace limité, foisonnent puis se transmettent des épidémies qui les déciment jusqu'au dernier. On a signalé, dans le Grand Nord canadien, un rythme analogue à celui que je crois pouvoir diagnostiquer pour Terre-Neuve ; certaines espèces augmentent ou diminuent par périodes de sept à neuf années, suivant une alternance climatique. Les lièvres et les lynx pullulent, puis une maladie contagieuse les fait périr par myriades et le petit nombre qui échappe au fléau sert à reconstituer la race. On redoute actuellement à Terre-Neuve l'arrivée du puma (Felis concolor), le seul chat sauvage à longue queue de l'Amérique, que la civilisation a refoulé jusqu'au Labrador et qu'un hiver rigoureux peut jeter sur l'autre rive du détroit de Belle-Isle… » (PERRET R. (1913). La géographie de Terre-Neuve, p199)